Stratégie de gestion de licences, rétablissons l’équilibre

Le licensing évolue avec le SaaS mais l’hybridation et le Cloud ajoutent aux politiques de licences plus de complexité et malheureusement, plus d’opacité. Cela dit, l’équilibre des forces peut être rétabli entre acheteurs, éditeurs et constructeurs en déployant une stratégie de gestion de licences bien outillée et en privilégiant l’anticipation.

Une femme sur une tablette de nuit

Entretien croisé avec Isabelle Gissler, responsable de l’activité logiciel pour les secteurs public et privé, SCC France Nord et Cédric Pautex, responsable de l’activité Software Assets Management, SCC France.

Les organisations françaises sont-elles au fait de l’étendue de leur parc de licences ?

CP : Le constat est que bien peu d’organisations, de toutes tailles et tout secteurs confondus, disposent d’une gestion industrialisée de leurs licences. C’est encore un domaine relativement artisanal auquel le tableur Excel n’est pas étranger. Pour autant, nous notons un regain d’intérêt pour la question, notamment à travers l’évolution des modèles de licences et le passage vers le Cloud. Ce qui conduit les entreprises à chercher des solutions, un outillage et du conseil.

En quoi la transformation numérique favorise-t-elle une gestion professionnalisée des licences ?

IG : Le modèle éditeur a toujours été un modèle complexe pour le client. Les services en ligne ont ajouté à la confusion. Que puis-je implémenter dans la société ? Que voit concrètement l’éditeur dans mon entreprise ? On ne peut pas nier un certain manque de transparence des éditeurs vis-à-vis des droits et des obligations de leurs clients.

Dès lors, à la complexité s’ajoute une certaine forme de méconnaissance, qu’on ne peut pas imputer uniquement aux entreprises. C’est ce manque de visibilité qui contribue à éveiller l’attention des organisations.

CP : Précisément. Aujourd’hui, avec le modèle Cloud, les organisations prennent le temps de comprendre quel usage véritable elles font de leurs licences, c’est-à-dire quoi, comment, quand et surtout de comprendre comment optimiser ces contrats au regard de l’usage réel. C’est très différent de ce que l’entreprise a pu connaître avec les audits éditeurs, où le contrôle du respect de la conformité se faisait généralement à leur détriment.

Cela dit, la conformité reste un sujet majeur, mais il semble s’être complexifié avec le Cloud. Le constatez-vous ?

IG : Oui, le SaaS ne sécurise pas naturellement les contrats. Il s’opère actuellement une bascule, auprès des clients évidemment mais d’abord dans le giron des éditeurs. Tous transforment, selon leur rythme, leurs modèles économiques. Nous sommes donc encore en période de transition, ce qui nécessite un besoin fort d’accompagnement des entreprises pour passer sereinement du modèle on prem’ au modèle SaaS. Beaucoup de nos clients nous demandent justement de suivre avec eux ce passage délicat au titre d’abord de leur conformité aux contrats de licences.

Pour complexifier la chose, les architectures sont de plus en plus hybrides. Toutes ces plateformes ne se gèrent pas de la même façon et questionnent par exemple la réversibilité et les versions installées. Un grand sujet du moment est le DaaS, le Device as a Service, lequel requiert d’établir avec beaucoup de précision les possibilités de réinternalisation ou de migration, en situation d’urgence notamment. Typiquement, les entreprises ne sont pas toujours bien au courant des périodes accordées par l’éditeur pour opérer en dual use rights (simultanément on premise et dans le Cloud).

SCC dit : « face à l’évolution des modèles économiques du logiciel, la conformité c’est bien, l’optimisation c’est mieux ». Que doivent comprendre les acheteurs ?

CP : C’est justement la traduction de l’évolution des pratiques que nous mentionnons. L’usage et la consommation des licences, et surtout leur mesure, deviennent des indicateurs de pilotage au service d’une consommation mieux maîtrisée. Et pour le coup, le SaaS permet une traçabilité des licences qu’il était très difficile d’opérer il y a encore quelques années.

Or c’est un enjeu majeur aujourd’hui que cette traçabilité. Elle met fin aux pools de licences et à la surconsommation et permet de réattribuer les droits (au départ d’un collaborateur par exemple) avec une visibilité sans précédent.

IG : Pour la première fois, on peut optimiser et reprofiler les achats à la réalité d’usage, ou, à l’inverse, expliquer pourquoi l’entreprise consomme autant de SaaS auprès de ses utilisateurs. Forte de ces indicateurs objectifs, l’entreprise peut réorienter sa conduite du changement ou confirmer sa stratégie. Récemment, l’un de nos clients, convaincu de surconsommer, a pu au contraire établir que ses estimations correspondaient à une réalité opérationnelle, ce qui l’a beaucoup rassuré et conforté dans ses choix.

CP : Chaque métier de l’entreprise pose des besoins en applications différents. Pour cela, la notion de profil est devenue importante, voire indispensable pour établir sa stratégie de gestion de licences. Jusque-là, ces opérations étaient exclusivement associées au DSI. Ce n’est plus le cas maintenant, le spectre s’élargit et englobe les ressources humaines, les moyens généraux, la direction générale, etc., tous directement concernés par une consommation au plus juste des licences logicielles.

Nous avons beaucoup parlé du end users mais qu’en est-il des modèles de licences associés aux infrastructures ?

CP : C’est un énorme levier d’optimisation et sur ce point, plus qu’ailleurs, les entreprises pâtissent d’un trop haut degré d’inexpérience. Nous réalisons donc pour nos clients des audits d’infrastructure, dont l’inventaire fait régulièrement ressortir d’importantes pistes d’amélioration et d’économies substantielles.

IG : Encore faut-il que l’entreprise ait connaissance de l’impact, par exemple du renouvellement de serveurs, sur ses licences détenues. Force est de constater que ce n’est que trop rarement le cas. Sur ce point, le mot d’ordre doit être l’anticipation, particulièrement maintenant avec une hybridation introduisant des facteurs de mobilité, de disponibilité, de virtualisation, aux incidences fortes sur les infrastructures. Il est devenu indispensable de réfléchir à ses licences pour engager de nouveaux projets de modernisation.

Interview TV : Didier Lejeune s'exprime au micro de Thomas Hugues

Lire le prochain article

Interview de Didier Lejeune PDG de SCC France